Le Transkei, le pays Xhosas, celui de la langue avec des clics particulièrement imprononçables dans ma bouche d’européenne. En plein milieu de cette Afrique du Sud que je ne reconnais plus se trouve Mdumbi, 20km de route de graviers, de collines qui se succèdent les unes après les autres avec une multitude de maisons rondes au toits de chaume et aux couleurs flamboyantes; et puis la mer, à flanc de collines qui s’écrase doucement sur une plage de sable fin à quelques mètres plus bas. Tout ce paysage qui fait rêver j’en avais entendu parler, je l’avais vu en photos mais le voir en vrai ça a définitivement un goût différent.
Mdumbi après être un backpacker c’est surtout un point de départ pour beaucoup de projets communautaires. Johann, la tête pensante du projet, a mis en place différentes activités qui permet aux touristes de passage dans ce petit havre de paix de pouvoir s’immerger dans la culture locale. Né ici et probablement l’un des meilleurs ambassadeurs de sa cause et de ses projets Johann a réussi à rendre à la communauté Xhosas une existence aux yeux des gens de passage. On n’est pas ici dans un backpacker où il est juste question de chiller au soleil ou sur la plage mais il est surtout question de pouvoir apprendre comment cette communauté unique vit, apprendre son histoire, son évolution. Et c’est cette possibilité de découvrir une autre culture qui m’a aussi amené à m’être les pieds à Mdumbi avec Visit.org.
L'histoire de Mama Mzolo
Mon histoire avec Mdumbi et la communauté Xhosas se jouent plusieurs actes et commence par une chaude journée de janvier. C’est l’été ici et le soleil tape déjà bien fort quand je rejoins mon guide, Sibongile, à 9h du matin. Il est convenu qu’ensemble on irait rencontrer une vieille dame du village et qu’elle nous raconterait une histoire de son passé. Sibongile est Xhosa et quand il parle aux personnes que l’on croise il parle cette langue si caractéristique faite de clics. Il parle un bon anglais et alors qu’on descend les collines pour rejoindre la maison de la vieille dame il me parle déjà un peu de la culture Xhosas.
La mama habite dans une de ses petites maisons rondes aux toits de chaume, la sienne est toute bleue et quand on y entre ce n’est qu’une pièce, un lit à gauche, 2 plaques de gaz à droite et une vieille armoire entre les deux, le strict minimum. Presque aveugle, elle ne sait pas quel âge elle a puisque avant, à sa naissance, on s’en fichait un peu de l’âge, c’est juste du temps qui passe. Elle s’assoit sur une paillasse à même le sol et nous lance des sourires, elle dit être contente de nous voir, qu’elle pensait à nous, à Sibongile et à moi, celle qui représente les voyageurs qui viennent des pays de l’autre côté de la mer.
Sibongile lui dit quelques mots en Xhosa et la vieille dame commence son récit. Elle veut nous parler de comment c’était la vie avant en pays Xhosas, comment une femme vivait, comment elle se mariait, quelle vie elle avait. Mama Mzolo avait un amoureux avant, un amoureux qu’elle ne pouvait voir qu’en se cachant de ses parents. Avant on ne pouvait pas voir autant d’hommes qu’aujourd’hui, il y avait des règles à respecter. Mzolo nous raconte qu’elle ne pouvait voir ce jeune homme que la nuit, quand ses parents dormaient. Dans une petite maison d’une seule pièce tout le monde dort au même endroit, les hommes à gauche, les femmes à droite. Sortir la nuit pour rejoindre son amoureux était assez épique, comment prévenir sa belle quand l’amoureux arrivait devant la maison ? La vieille dame nous raconte que le soir venu, à l’heure du coucher, elle accrochait à son poignet un fil dont elle balançait la pelote par la fenêtre. Une fois l’amoureux arrivé au pied de la petite maison il tire sur le fil pour réveiller la jeune fille et là commence la partie la plus compliquée. Mzolo nous raconte qu’il lui fallait ensuite écouter, être sûre que les doux ronflements de ses parents signifiaient qu’ils étaient bien endormis puis elle se dirigeait vers la porte, la tirait, doucement, tout doucement, pour sortir sans bruit dans la nuit rejoindre son amoureux.
Cette histoire à la Raiponce me fait sourire, totalement captivée par le récit de la vieille femme qui mime en riant son échappée de la maison, elle se rassoit et continue.
Seuls dans la nuit les amoureux fugitifs se réfugient à l’abri des hautes herbes, couchés sur une couverture ils profitent du temps ensemble. Ce qu’ils font ? Rien. Malgré le fait que Mzolo nous explique que l’homme se retrouve en sous vetêments et enjoint sa dulcinée d’ôter sa robe rien ne se passera au dessus des genoux de la belle. Interdiction d’accéder à la banque ! Oui, la banque. C’est de cette façon que Sibongile me traduit les paroles de la vieille femme. Cette banque, la virginité de la jeune femme, celui qui y accédera devra en payer le prix soit une dizaine de vaches selon la richesse de la famille du courtisan et si jamais l’amoureux transi ose chercher à remonter plus haut que les genoux il verra sa dulcinée fuir.
L’histoire des amoureux pourrait être belle mais la culture Xhosas ne dérogent pas à beaucoup d’autres cultures en matière de mariage, les amoureux ne consomment parfois pas leur amour et Mzolo a dû se marier avec un autre homme, un homme qu’elle n’avait jamais vu de sa vie mais qui paiera le prix de sa virginité, 14 vaches offertes à ses parents. Lorsque je lui demande ce qu’elle a ressenti le jour de l’annonce de son mariage elle répond qu’elle était furieuse, que son amoureux était furieux mais la loi Xhosas est la loi et elle sera mariée à cet homme. Naîtront 4 enfants, 3 filles et 1 garçon, de son union avec ce parfait inconnu. Elle le suivra et sera sa femme, oubliant l’amoureux pour toujours.
Mzolo nous raconte qu’aujourd’hui les choses ont bien changé, les femmes mangent des œufs, oui des œufs, elles excitent les hommes et couchent avec eux avant de se marier. Aujourd’hui les choses ont changés, la dot en vaches a été remplacé par la dot d’argent. Aujourd’hui les choses ont changé alors Mzolo raconte ce qu’était la culture Xhosas d’il y a plus de 50 ans.
Avec son sourire et ses yeux perdus dans le vide elle nous remercie d’être venu, nous dit de revenir encore pour qu’elle nous raconte d’autres histoires, elle aime raconter ses histoires et j’imagine qu’elle en a encore des centaines à raconter aux gens de passage.
Enkosi Mama.
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