[Flashback] Assise sur des marches je regarde un couple de Muzungu passer, leurs sacs vissés sur le dos, direction la gare routière. Moi cette gare, ces bus, j’en viens tout juste et si je pose mes fesses à quelques mètres de là c’est que j’attends Greg, que j’ai rencontré pendant Kwita Izina, qui va me faire découvrir Red Rocks, son organisation.
Vous vous souvenez de Kwita Izina ? La cérémonie de l’enfer qui m’avait valu de vomir dans ma bouche un nombre incalculable de fois (palme d’or aux Gorilles en kit qui se roulaient par terre pendant l’énonciation des noms des bébés Gorilles pendant que mon voisin écrivait frénétiquement les nouveaux noms sur la petite feuille qu’on lui avait donné. On se serait cru au bingo du dimanche de la maison de retraite).
Je m’égare ! Kwita Izina donc, pendant laquelle j’ai pu rencontré quelques personnes dont Greg qui est à la tête d’une organisation de tourisme à Musanze, à quelques kilomètres de Kinigi. Greg est un enfant de la diaspora, sa famille a fuit en Ouganda lors du génocide et il est revenu dans son pays d’origine lorsqu’il avait 16 ou 18 ans. Il m’explique ne pas connaître son âge exact, avant on ne se souciait pas de l’âge. Peu importe, ce qui m’amène à Musanze quelques jours après la cérémonie ce n’est pas tant l’âge de Greg mais bien le projet qu’il a mis en place : Red Rocks. Sous ses airs un peu fermés Greg a un projet, des envies, une motivation : aider les communautés locales. Quand il m’en a parlé à Kwita Izina j’ai tout de suite pensé à Visit, coordonnées échangées il a été dit qu’on se reverrait pour en parler. Il me réceptionne à la gare routière de Musanze et m’amène dans son premier bureau d’où il gère les réservations des touristes, il me montre du doigt une hutte à côté de cette maison qui abrite ses bureaux “C’est de là que j’ai commencé tout ça, je la garde en souvenir de cette époque“. Une hutte au toit de chaume, comme il pouvait y en avoir avant que les toits ne deviennent de la tôle.
On monte en voiture pour rejoindre son autre quartier général à quelques kilomètres de là. Les bâtiments sont récents, l’endroit est charmant. Il m’explique qu’il y a encore quelques années, quand il a acheté le terrain, il n’y avait que lui dans la zone et aujourd’hui une université a décidé d’établir un quartier d’étudiants juste en face. On entre sur un grand terrain, j’aperçois des tentes, des femmes tressent des paniers en riant, quelques personnes gravitent à droite à gauche.
L'association Red Rocks
Mais Red Rocks c’est quoi en fait ? C’est un projet communautaire mis en place par Greg pour venir en aide à la communauté qui habite près de ce quartier général. Ce projet se base sur une réalité très simple : les gens viennent au Rwanda pour voir les Gorilles et puis repartent dans leurs pays sans avoir quitté les 4×4 qui les ont menés de l’aéroport à leurs hôtels, de leurs hôtels aux montagnes, des montagnes à leurs hôtels, de leurs hôtels à l’aéroport. “On est allé au Rwanda, c’est magnifique“. Oui le pays est beau mais qui peut oser dire qu’il a visité un pays s’il n’a pas approché sa population ? S’il n’a pas essayé de s’imprégner de la vie, de la culture des habitants du pays ? Red Rocks c’est ça.
Lorsqu’il reçoit des touristes Greg leur propose de rester plus longtemps pour découvrir autre chose que les richesses naturelles du pays. Ils proposent de découvrir les danses traditionnelles avec un collectif de la zone, d’apprendre l’Histoire du pays avec des conteurs, de découvrir la vie des fermiers rwandais, de découvrir l’art de tresser avec les femmes du village et même de découvrir la fabrication de la bière de banane, boisson adorée dans le pays ( qui m’a fait pensé à du cidre de banane ! ). Ce qu’il propose c’est de mettre les touristes en lien avec ces personnes, individuelles ou organisations, pour faire vivre aux touristes des expériences d’immersion dans la vie rwandaise. Ce qu’il en retire ? Absolument rien.
C’est sûrement la plus grande beauté de Red Rocks. Quand Greg m’a dit qu’il n’en retirait rien j’ai eu du mal à la croire, forcément dans ma petite tête d’occidentale encore un peu obtus et étonnée de la bonté humaine j’ai eu du mal à croire que cet homme permettait à tant de gens de gagner de l’argent sans rien y gagner, qu’il leur permettait de cultiver des parcelles sur ce terrain qui lui appartient et tout ça gratuitement. Dans le monde où on vit on a tendance à oublier ces gens là, ceux qui ne sont pas individualistes et qui croient en l’entraide pour élever les Hommes, ceux qui n’oublient pas d’où ils viennent et qu’eux aussi ont vécus la galère avant d’en arriver là, ceux qui veulent faire le bien parce qu’ils ont été assez chanceux pour arriver là où ils sont aujourd’hui. Je respecte ces gens là et ils me font oublier ceux qui exploitent, ceux qui ne respectent pas l’Homme, ceux qui dégradent et ceux qui font ressortir ce qu’il y a de plus mauvais en nous.
Red Rocks et Visit.org
La contrainte que j’ai rencontré ( et qui était justifiée ) en travaillant avec Visit.org c’est de trouver des organisations qui bénéficient à la communauté et non à une personne à titre individuel. Du coup en parcourant les activités proposées par Greg et Red Rocks j’ai pu me rendre compte que certaines n’étaient pas éligibles au site et j’ai dû les écarter pour me concentrer sur celles qui l’étaient. Sont donc rentrées en ligne de compte 3 possibilités : les danses traditionnelles, la fabrication de la bière de banane et la fabrication des paniers. Les 2 premières je n’ai pas pu les voir mais les femmes fabriquant les paniers étant sur place au moment de mon passage je me suis concentrée sur elles.
La communication a été compliquée. Pendant ma préparation j’étais assez contente de voir que mon premier pays était francophone ( oh la flemmarde ) mais j’ai très vite déchanté. En fait au Rwanda pour trouver des gens parlant français il faut chercher longtemps, vraiment longtemps. Greg lui même ne parle qu’anglais et pour les autres personnes avec qui j’ai pu discuter je n’ai parlé qu’anglais ou presque. Je me suis rendue compte que les jeunes ne parlaient pas français mais anglais ou kinyarwanda, ça a été également le cas avec ces femmes. Greg me dit qu’elles parlent un peu français, un peu anglais, bon c’était vraiment exagéré. Après quelques galères je me rends compte qu’elles ne parlent quasiment pas français et je me tourne vers le plan B : l’anglais.
Quelques minutes d’acharnement et j’arrive à comprendre leurs prénoms ( des prénoms français en plus ! Bonjour l’ironie ! ) et combien d’enfants chacune d’elles ont. Elles sont 4 aujourd’hui mais en fait elles sont 8 à travailler sur les paniers, les 4 autres travaillent aux champs, elles se relaient. Vient alors la question concernant l’argent qu’elles gagnent puisque j’ai besoin de savoir si cet argent leur revient à elles personnellement ou à une sorte de coopérative. Elles me répondent alors que l’argent va sur un compte et qu’elles le récupèrent une fois par an ou pour des urgences et qu’il est distribué à chacune d’elle pour envoyer leurs enfants à l’école, acheter des animaux pour se nourrir ou payer les médecins si besoin. Elles me tendent l’un des paniers qu’elles sont entrain de faire, me font asseoir et me montrent patiemment comment tresser. Elles rient , souvent, et parlent en kinyarwanda, je ne comprends absolument rien et pourtant je ressens leur bienveillance.
Mes premières semaines au Rwanda ont été riches de ces rencontres. Le fait est qu’aujourd’hui vous pouvez aussi rencontrer ces femmes à Red Rocks en passant par le site et que vous pouvez aussi passer du temps à apprendre de leur expérience et comprendre leur histoire tout en étant sûrs que l’argent qui vous servira à vivre cet expérience pourrait bien servir à envoyer un enfant à l’école.
8 Commentaires
Je ne connaissais pas du tout Visit.org, merci pour cette découverte, je le garde de côté pour le TDM! 🙂
Super article, merci Adeline!
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