Il y a quelques temps j’ai été contacté par Guidisto, cette toute nouvelle plateforme qui propose de rentrer en contact avec des organisations d’écovolontariat. La différence avec tous les portails déjà existants ? Sur Guidisto sont refusées les missions d’orphelinats et les fermes d’élevage de lions. Totalement intriguée je pars sur la route pour rencontrer Frank Seidel, le fondateur, et avoir quelques explications sur cet engagement et ce tout nouveau portail.
Bonjour Frank ! Pour commencer est-ce que vous pourriez vous présenter et présenter Guidisto ?
Ca fait 25 ans que je suis dans le domaine du volontariat à l’international et l’écovolontariat en particulier. Allemand de naissance, la première fois que je suis venue en France c’était dans une réserve naturelle au Sud de la France, la Plaine de La Crau, au début des années 90, pour faire un stage. C’était très inhabituel à l’époque de partir à l’étranger pour faire une bénévolat ou du volontariat. J’ai commencé avec plusieurs auteurs à écrire un livre Jobben für Natur und Umwelt (S’engager pour la nature, pour l’environnement) qui rassemblait toutes les possibilités qui existaient aussi bien en Allemagne qu’en France de s’engager pendant quelques temps à l’étranger dans un projet d’écovolontariat. Pendant les recherches pour l’une des ces éditions j’ai croisé le chemin de Projects Abroad que j’ai approché par la suite en leur proposant de créer leur antenne en France.
Après 7 ans avec eux, je suis parti pour créer ce portail français de Guidisto qui existe depuis novembre 2016. J’avais la volonté de rassembler des possibilités pour s’engager pour la nature et l’environnement pendant un volontariat avec une approche dès le départ qualitative à la différence de certains portails qui ont une approche plus quantitative c’est à dire que tous les organismes qui veulent publier leurs projets sur les plateformes ont le droit de le faire. De mon côté j’étais conscient que dans le monde du volontariat aujourd’hui il y a des projets qu’on peut considérer utiles et d’autres qui sont peu recommandables voire nocifs comme les projets des lionceaux. Ma volonté était dès le départ de faire un tri parmi les organisations et de ne proposer que des missions qu’on juge sérieuses en offrant un volontariat responsable. Notre travail est de faire le lien entre les volontaires et les organisations.
Vous dites proposer des missions qualitatives sur le site internet, allez-vous vérifier vous-même sur place les missions proposées par les organismes répertoriés ?
Nous avons établi une grille de vérification de 50 critères qui est disponible dans un guide que nous envoyons à chacun des volontaires qui font des demandes de contact sur le site. Dedans il y a donc 50 critères que vous pouvez aussi utiliser pour évaluer des projets que vous avez trouvé ailleurs que sur notre plateforme. Le premier critère est de savoir si c’est une structure qui est officiellement inscrite dans un registre d’organisation ou de commerce dans le pays où l’organisme est basé. Après nous discutons avec les organisations qui proposent des missions pour savoir quels genres de projets ils proposent et comment ils identifient le sérieux de ces projets.
Si une organisation a beaucoup de projets en orphelinat c’est un très mauvais critère, si un organisme propose des missions dans des fermes de lions c’est également un mauvais point. On a donc une cinquantaine de critères qu’on vérifie la plupart du temps à distance parce que nous n’avons pas les moyens d’aller voir sur place mais il est vrai aussi qu’avec les 25 ans que j’ai d’expérience dans le domaine je fais parti de réseaux internationaux, comme celui de Better Volunteering Better Care qui se bat contre le volontariat en orphelinat par exemple, ce qui me permet d’avoir des informations parfois officieuses sur le caractère sérieux ou non de certaines organisations.
La vérité est qu’il y a très peu de noir et blanc mais beaucoup de nuances de gris là dedans. Il est parfois difficile de dire « on accepte cette organisation » ou « on refuse celle-là » parce que si on prend l’exemple des missions en orphelinat il y a quasiment toutes les organisations qui ont au moins un projet dans ce domaine, le critère déterminant sera de voir si on estime que les autres missions qu’ils proposent sont sérieuses.
Est-ce que ça signifie que vous refusez toutes les associations qui ont des missions en orphelinat ou seulement les missions en elle-même sans exclure l’association si elle propose d’autres missions ?
Les 2 sont possibles, certaines structures mettent très en avant ces projets avec les orphelinats, qui n’en sont pas vraiment parfois, mais il a aussi des organismes qui sont de manière générale sérieux, on va simplement leur interdire de promouvoir les projets en orphelinat sur notre portail et par ce choix nous arrivons à aiguiller les personnes qui viennent sur le portail pour chercher ce genre de mission vers des projets qui sont plus utiles pour la communauté.
Vous citiez les missions dans les fermes de lion mais sur le site des missions permettent d’avoir des interactions avec les animaux, quelle distinction faites-vous entre ces missions et les fermes d’élevage qui proposent aussi des interactions directes avec les animaux ?
Les projets exclus sont ceux qui offrent une interaction systématique ou régulière avec des jeunes félins. On peut croire que dès lors qu’une organisation fait la promotion d’un projet en mettant essentiellement en avant la possibilité d’interagir avec des bébés lions ça nécessite l’afflux régulier de lionceaux, ce qui implique une véritable usine qui se termine souvent, pour les lionceaux devenus grands, par du canned hunting (chasse en cage où l’animal n’a aucune chance de s’en sortir). S’il y a un projet qui a de telles caractéristiques on peut donc dire que c’est au détriment des animaux qu’on souhaite aider.
Pour ce qui est des missions avec de jeunes primates en Afrique ou des éléphants en Asie il est vrai qu’il y a des organismes qui accueillent des animaux qui sont saisis, trouvés blessés ou issus d’autres projets, nous évaluons alors leur sérieux. Nous n’acceptons par exemple jamais les missions qui permettent aux volontaires de grimper sur le dos des éléphants ou des projets où il y a une obligation pour les éléphants d’aller se baigner tous les jours avec les volontaires.
Nous jouons aussi un rôle de sensibilisation avec les organisations avec lesquelles nous sommes amenés à échanger pour leur faire remarquer que certains de leurs projets ne sont pas adéquats et grâce à cette influence, la nôtre et celle d’autres organismes, nous observons une évolution chez ces organismes.
Avez-vous déjà eu des demandes de volontaires relatives à des missions qui impliquent un contact direct avec les jeunes félins malgré qu’elles ne soient pas listées sur le site ?
On a des visiteurs qui arrivent sur le site après avoir formulé ce type de requêtes, ils atterrissent la plupart du temps sur la page où nous informons pourquoi ce n’est pas une bonne idée de le faire. Notre objectif est de dire qu’on reconnaît que ça part d’un bon sentiment mais que ce n’est pas une bonne idée. Si on veut s’engager il y a d’autres manières plus utiles ou responsables de le faire. C’est aussi le but de notre portail de proposer aux personnes qui font ces recherches de pouvoir être rediriger plutôt vers des projets comme des sanctuaires qui accueillent des animaux blessés ou des structures qui s’occupent de restaurer l’habitat des lions.
Au niveau des sites d’intermédiaire pour l’écovolontariat, êtes-vous les seuls à exclure ce genre de missions ?
A ma connaissance nous sommes les seuls à exclure les missions aussi bien avec les lions qu’en orphelinat. Après il y a un autre portail en Angleterre qui est assez strict avec le canned hunting mais qui est plus souple sur la question de l’orphelinat. Nos portails (français et allemand) sont les seuls au niveau mondial qui excluent catégoriquement les 2 projets.
Vous avez récemment participé à une campagne contre le canned hunting, pouvez-vous nous en parler un peu plus ?
Nous avions déjà travaillé avec des représentants de Campaign Against Canned Hunting par le biais de notre portail allemand de Guidisto et après le lancement du portail français on s’est aussi rapproché de CACH en France pour travailler ensemble. La pétition a été lancée et on s’est évidemment associé. Cette pétition venait répondre au projet du gouvernement sud-africain d’exporter 800 squelettes de lions tous les ans. Le but était d’empêcher ça même si nous sommes lucides sur les intérêts qu’a le gouvernement sud-africain à mettre en place ces exports. Le principal impact c’est donc de pouvoir informer les gens sur le sujet. Aujourd’hui la pétition a été déposé à l’Ambassade sud-africaine.
Un dernier mot ?
Ce qui est très important aussi pour nous c’est d’inviter les personnes qui veulent partir à considérer leur mission de volontariat plutôt comme une expérience d’apprentissage sur le chemin de devenir un citoyen du monde digne de ce nom. La vraie valeur qu’on voit pour le volontariat à l’international est que ça peut créer une relation émotionnelle avec le pays ou, dans le domaine de l’écovolontariat, avec l’habitat sur place. Une relation qui peut perdurer même après le retour dans son pays d’origine et qui peut faire qu’on a envie de s’engager dans la durée mais aussi de vérifier son propre comportement : par exemple au moment où j’ai compris que c’est par une consommation trop poussée de viande que la forêt en Amazonie recule, je vais peut être aussi modérer ma consommation de viande à mon retour de ma mission d’écovolontariat.
Il faut être plutôt modeste de ce qu’on peut attendre sur place, faire un projet qui a du sens sans chercher à optimiser son rendement sur place et plutôt partir avec une attitude qui aidera sur la durée.
Cette rencontre a été organisé par Blandine, responsable France de Guidisto, que je remercie beaucoup pour sa gentillesse (et pour le café !). Je remercie également Frank de m’avoir accordé de son temps, c’est toujours passionnant de pouvoir discuter avec des personnes impliquées dans des combats, comme le canned hunting !
PS : Toutes les photos m’ont été transmises par Guidisto.
Quelques liens utiles
Sur la page d’accueil du portail vous pouvez trouver le guide du volontariat à l’étranger, très complet avec beaucoup de bonnes réflexions et la fameuse check-list qui peut vous servir pour n’importe quel organisme de volontariat.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le canned hunting je vous laisse découvrir mon article sur le sujet.
Le portail germanophone peut peut-être aussi vous être utile (on ne sait jamais !)
3 Commentaires
Que voilà encore un article très intéressant.
Merci !
Très intéressante cette interview!
Merci Aurélie !