Depuis quelques jours ou plutôt quelques semaines Internet s’enflamme, le monde entier s’enflamme, d’abord face aux grinds aux Iles Féroé qui ont eu raison de 248 dauphins pour les raisons d’une tradition ancestrale et puis il y a quelques jours pour la mort de Cecil au Zimbabwe, ce lion à la crinière noire si particulière, attraction des safaris dans le pays.
Le grindadrap traditionnel des Îles Féroé
Le grindadrap ( ou “mise à mort des baleines” ) est une pratique ancestrale qui a lieu chaque année aux Iles Féroé et qui avait également lieu dans d’autres parties du monde comme au Groenland il y a quelques années. Pour faire très simple les grinds consistent à repousser des dauphins ou des baleines vers le rivage, en les piégeant avec plusieurs bateaux pour que finalement, acculés au niveau des plages, les féringiens viennent les massacrer en leur plantant des crochets et des couteaux au niveau de la colonne vertébrale ( c’est moins douloureux qu’ils disent ). Cette pratique a des centaines d’années et trouvait sa cause dans la quasi impossibilité pour l’île d’être approvisionné en viande, la viande des cétacés devenait alors la seule source de protéines.
Si à la base la chasse traditionnelle de ces animaux était mise en place pour une raison valable, aujourd’hui les Iles Féroé ne sont plus totalement coupées du monde et la problématique alimentaire qui pouvait peser sur eux il y a des centaines d’années n’est plus d’actualité puisque les féringiens ont accès à tout ce dont ils ont besoin pour survivre. Mais malgré tout la chasse continue chaque année aux périodes de migrations des cétacés avec parfois des années terriblement meurtrières comme en 2013 où plus de 1100 globicéphales et 430 dauphins à flancs blancs ont été massacrés.
Pour l’année 2015 on dénombre pour le moment 248 globicéphales tués en seulement 2 jours de grind ! Imaginez ça reporté à la totalité de la saison des grinds, de juin à octobre, une hécatombe.
Depuis plusieurs années des chercheurs ( et même des chercheurs des Iles Féroé ) ont déclarés la viande des animaux chassés impropres à la consommation puisque le taux de mercure dans le corps des animaux est bien plus élevé que ce qu’un homme pourrait supporter au long terme. La problématique alimentaire n’est donc plus seulement bancale mais tout simplement irrecevable à ce stade. La pratique de cette chasse est donc devenue une “tradition” qu’aux Iles Féroé on refuse purement et simplement d’abandonner. Caché derrière ce terme, le simple fait d’évoquer le fait de faire sauter cette “tradition” reviendrait à annihiler une partie de la culture des Iles Féroé, bref on est aux portes du blasphème pour les féringiens.
La protection du Danemark et le problème d’autonomie des Iles Féroé
Les Iles Féroé sont rattachées au Danemark mais sont juridiquement indépendantes ce qui fait que malgré la signature du Danemark du moratoire contre la chasse des baleines cette signature n’impacte pas les Iles Féroé qui sont dans la légalité lorsque les féringiens mettent en place les massacres des cétacés tous les ans. S’en vient quand même un petit hic dans cette histoire et ce petit problème il saute aux yeux peut être plus cette année que toutes les années précédentes : c’est la protection de la marine danoise.
Mis à part le fait que la loi féringienne ait été durci cette année, passant de 4 mois d’emprisonnement à 2 ans pour quiconque aurait l’audace de déranger un grind (augmentation dû au fait que Sea Shepherd avait tellement bien saboté les grinds l’année dernière que “seuls” une cinquantaine de dauphins avaient été massacrés), le problème réside aussi dans le fait que lors des tentatives de sabotage des grinds par Sea Shepherd cette année la marine danoise bizarrement présente au bon endroit, au bon moment, à prêter main forte aux autorités féringiennes pour arrêter de manière totalement disproportionnées les volontaires alors sur place.
A l’heure actuelle ils sont 7 à attendre de connaître leurs peines et vu les évènements des derniers jours si les Iles Féroé continuent dans le même délire protectionniste de cette tradition stupide la réaction internationale risque d’être immense (en tout cas mon petit cœur d’idéaliste l’espère !)
Le meurtre de Cecil, lion star du Zimbabwe
Il y a quelques jours on a appris le meurtre d’un lion au Zimbabwe, Cecil. Pourquoi tant de bruits pour un lion abattu par un chasseur alors que des centaines de lions sont abattus tous les ans en Afrique ? Cecil était en fait la star du parc Hwange, un lion à la crinière noire d’une dizaine d’année, attraction phare du parc pour qui les visiteurs du monde entier venait visiter le pays.
Au Zimbabwe comme dans de nombreux pays d’Afrique les limites d’un parc national protège les animaux de toute tentative d’abattage des chasseurs sauf que Cecil a été attiré à l’extérieur du parc par des guides pour être abattu par un touriste américain par flèche, après plus de 40h d’agonie l’animal sera achevé par les guides, décapité et ses restes seront laissés sur place.
Assez peu de pays accepte la chasse avec appâts qui n’est pas vraiment dans l’idée de la “fair chase” ou la chasse “juste” dans laquelle l’animal est certes traqué mais dans son milieu naturel avec possibilité de s’échapper. Dans le cas de Cecil la problématique est donc qu’il a été appâté pour sortir du parc et être finalement abattu par les chasseurs embusqués. Il a ensuite erré, blessé pendant près de 2 jours avant d’être abattu !
S’ajoute à cette traque et ce meurtre de Cecil le fait que le lion était un sujet d’étude d’Oxford sur la longévité des lions. Après avoir abattu l’animal les chasseurs ont essayés de se débarrasser du collier GPS posé sur l’animal afin de détruire toute trace de localisation, en vain forcément.
L’impact sur la horde
Les lions forment des hordes qui se composent d’en général un ou 2 mâles alliés (voire 3 dans certains cas), de plusieurs femelles et de leurs petits. Dans le cas de Cecil le lion partageait la dominance avec un autre mâle adulte, Jéricho qui a été déclaré mort après Cecil et puis finalement ressuscité, il semble en bonne santé et toujours auprès des femelles et des petits du groupe.
Le souci qui a été relevé à la mort de Cecil a été le fait qu’une horde sans mâle dominant risquait d’être attaqué par des lions errants en quête de femelles à dominer. En milieu naturel et sans intercession des hommes il arrive que des lions perdent la dominance face à d’autres mâles lors de combat. Parfois un lion trop vieux ne fait plus le poids face à un jeune lion errant, il doit abandonner sa horde ou mourir pour la protéger, la loi de la nature en somme.
Lorsque la horde perd son mâle dominant et que celui-ci est remplacé par un autre mâle ce nouveau chef de famille tue les petits nés de son ancien rival pour que les femelles redeviennent fécondables et qu’elles mettent au monde des petits d’une nouvelle lignée. Ca garantit aussi le brassage génétique, bref une machine bien huilée quand les hommes ne décident pas de s’en mêler.
Le risque pour la horde de Cecil est donc que Jéricho se retrouve à devoir faire face à plusieurs mâles errants qui cherchent à s’approprier des femelles. La défaite de Jéricho face à eux auraient raison d’une vingtaine de lionceaux, un nombre considérable quand on sait que l’espèce est considérée vulnérable par l’IUCN.
Un engouement générateur d’un véritable changement ?
Je vous avoue que je suis assez perplexe face à l’engouement qu’à susciter la mort de Cecil. Je trouve ça bénéfique que les gens ouvrent enfin les yeux sur les pratiques vraiment inhumaines de la chasse d’animaux sauvages pour acquérir des trophées et peut être que c’est un premier pas vers des mesures sérieuses puisqu’il est question d’interdire la chasse aux trophées en Afrique mais au final quelles sont les mesures vraiment mises en place et les enjeux de cette interdiction ?
Le Zimbabwe a fait parler de lui il y a quelques mois concernant l’anniversaire de son président qui, pour ses 91 ans, a décidé de manger des éléphants et du lion ! Alors dans un pays où on accepte de sacrifier des animaux considérés vulnérables et dont les populations ont drastiquement chuté ces dernières années le fait de demander l’extradition du meurtrier de Cecil me semble légèrement hypocrite.
Deuxième chose qui m’a interpellé ce sont les mesures expéditives prises par le gouvernement : la chasse aux lions, léopards et éléphants est suspendue aux abords du parc de Hwange. Pour combien de temps par contre, ça, mystère… Et puis il faut surtout lire la petite mention : “sauf si le chasseur obtient une dérogation écrite des parcs nationaux, et est accompagné du personnel de la réserve” ( soupir et indignation ).
Concrètement l’action du gouvernement zimbabwéen consiste simplement à surfer sur une vague de médiatisation qu’il pourrait beaucoup mieux exploiter en interdisant purement et simplement la chasse dans leur pays sauf qu’on parle alors d’un manque à gagner de millions de dollars, dur de s’asseoir dessus. En plus de ça si les spots se tournent vers la chasse en Afrique ça risque très certainement d’éclabousser l’Afrique du Sud qui n’est pas très loin concernant les élevages de lions qui sont ensuite relâchés dans des enclos pour être abattus par des chasseurs aux antipodes de la “fair chase”.
En plus du fait que la communauté de chasseurs de trophées internationale commence sérieusement à s’inquiéter de sa situation on parle aujourd’hui d’un énorme lobby qui engrange énormément d’argent ( sous couvert de conservation des espèces hein, je vous le rappelle ) et ma plus grande crainte dans ce tapage médiatique est qu’il retombe aussi vite qu’il n’est arrivé et que d’un soulèvement tellement prometteur n’aboutisse rien pour les populations animales qui aujourd’hui souffrent toujours plus.
Continuez à relayer des informations, à vous indigner de voir des animaux abattus, décapités, massacrés et peut être que la minorité qui s’inquiètent de l’avenir de ces populations deviendra une majorité qui les protégera..
4 Commentaires
[…] le bénéfice de tuer un animal qui vit paisiblement sa vie avec ses congénères, un peu comme Cécil au Zimbabwe ! Ces idiots vous diront qu'eux aussi ils participent à la sauvegarde des espèces et même plus […]
[…] qui implique une véritable usine qui se termine souvent, pour les lionceaux devenus grands, par du canned hunting (chasse en cage où l'animal n'a aucune chance de s'en sortir). S'il y a un projet qui a de telles […]
[…] plutôt depuis 40 ans ! ) les japonais perpétuent une "tradition" qui avait un peu commencé comme aux Iles Féroé avec la chasse aux globicéphales : pour manger. D'une simple nécessité, qui s'épuise de plus en plus au fur et à mesure que les […]
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