Dans l’épisode précédent : 3 jours que l’apprenti voyageuse à vélo n’a pas pris de douche, 3 jours qu’elle en prend plein les mirettes (expression inusité depuis… des millénaires) sur les routes bretonnes, à travers les mégalithes bretons, dans les villages bretons. A l’aube du 4ème jour, elle entame ses derniers kilomètres sur les Terres Celtiques du Royaume de France.
De Morlaix à Landrake
Se réveiller pour la dernière fois dans notre petite forêt bretonne, tout près de la VélOdyssée, me donne déjà un goût de nostalgie, dans quelques kilomètres il y a Roscoff et dans quelques heures le ferry qui nous emmène à Plymouth où on fera un arrêt nocturne avant de rejoindre les Cornouailles. Les rituels du matin commencent à être bien acquis, après le petit déjeuner on range les sacs de couchage et les matelas, on replie les housses de vélo qui nous servent de deuxième matelas, on bourre les sacoches (bon, ça c’est pas encore très bien acquis pour moi), et replie la tente, on remonte les sacoches sur les vélos et nous voilà sur la piste. Alors que Dimitri vérifie qu’il n’a pas attrapé son millième tique, j’aperçois au loin un cycliste. A mesure qu’il s’approche de nous on se rend compte que c’est un voyageur à vélo, le premier qu’on rencontre depuis notre départ. Il s’arrête près de nous et nous salue, un anglophone et à juger par son accent, un anglophone qu’on va avoir du mal à comprendre ! On capte quelques mots, il nous demande même si on arrive à le comprendre, les écossais et leur accent… Une vraie partie de plaisir ! On s’étonne mutuellement qu’il vienne d’Edimbourg alors que c’est notre destination, le hasard parfois… Après une courte conversation on se sépare, chacun de son côté, lui va vers le sud, nous vers le nord.
La piste est toujours aussi agréable, les kilomètres s’égrènent tranquillement, on suit les panneaux qui nous indiquent la route de Morlaix, plus que 10km. Arrivés dans la ville on comprend qu’on quitte notre petit écrin de verdure, on aura fait environ 90km sur la VélOdyssée avant de rejoindre la civilisation, je suis tombée en amour avec cette piste ! Et aux vues de la suite du voyage, j’oserais même dire que c’est l’une des meilleures qu’on a prise, pour le vélo et pour le bivouac. Mais je vais trop vite ! Arrivés à Morlaix on retrouve les charmes des villes bretonnes, de la circulation et des montées vertigineuses. Après avoir sué sur une de ces dernières, on atteint le Decathlon pour un ultime ravitaillement avant de partir pour Roscoff et l’Angleterre. La route cyclable jusqu’à Roscoff n’est pas aussi agréable que la VélOdyssée mais les montées sont douces, régulières, assez simples donc, en tout cas au début. Une fois arrivés aux environs de la ville on enchaîne de belles montées qui nous offrent un point de vue sur la mer et sur les champs d’artichauts qui grignotent le littoral, des tonnes et des tonnes d’artichauts ! Je n’en ai jamais vu autant je crois.
Roscoff. Je commence à me stresser un peu pour le ferry, du coup, je stresse aussi Dimitri pour qu’on aille vite chercher à manger et qu’on retourne à l’embarcadère, si vous ne le saviez pas je suis une véritable angoissée des transports ! On décide donc de passer très vite dans la zone touristique de Roscoff, charmante petite ville de pierres aux rues étroites et aux 1000 touristes au m² ! Heureusement pour nous on tombe rapidement sur une petite crêperie qui n’est plus prise d’assaut, on nous prépare en vitesse notre ration qu’on emporte aussi rapidement vers le ferry. “Vite vite, dépêche toi, on va être en retard” alors que non, sérieusement, on avait de la marge ! Tellement de marge qu’après avoir passé les contrôles on se retrouve derrière des motards, assis sur le sol, à grignoter nos délicieuses crêpes. Le ferry a du retard.
On finit quand même pas y monter et, après avoir laissé nos destriers dans la cale, on prend possession de notre cabine et surtout, SURTOUT, de la douche. La cabine couchette est petite, 2 lits superposés, une petite salle de bain, mais après avoir dormi 3 jours dehors sans se laver, la douche est un bonheur et le matelas un autre délice. Notre trajet sera mouvementé, les conditions climatiques sont rudes, le bateau tangue, je ne ressens pas trop le mal de mer, ou en tout cas je me force à ne pas y penser. On grignote un peu avant de se coucher, il nous faudra quelques heures de sommeil au moins s’il s’avère qu’on ne peut pas passer la nuit au port.
Parce que, oui, c’est le soir, et quand on arrive à Plymouth et qu’on descend du bateau il est 22h passé. On comprend très vite qu’il ne nous sera pas possible de dormir dans le port. On part donc, en pleine nuit, dans Plymouth. On décide d’aller le plus loin possible de la ville, de trouver un camping et de s’y installer pour la nuit. Le pont qui nous mène aux Cornouailles est derrière nous depuis un moment quand on trouve enfin un camping excentré de la grande route qu’on a prise depuis Plymouth et là, la douche froide, alors que j’explique au gardien notre situation il nous refuse l’entrée au camping, il est trop tard, il n’accepte plus personne après 20h pour des raisons de sécurité (quelle sécurité quand on peut entrer aussi facilement dans le camping ?!), il est 1h30 du matin, le bivouac nous attend. On se retrouve donc sur le bord d’une route passante, devant l’entrée d’un champ, vivre la galère c’est aussi un peu ça le voyage à vélo, non ?
De Landrake à Padstow
A la lecture du jour précédent, tu te doutes lecteur que le réveil fût compliqué. Je n’ai presque pas dormi de la nuit, réveillée sans arrêt par les véhicules et l’angoisse de me faire inopinément écraser par un tracteur. C’est donc la tête enfariné que je range mes affaires et que je remonte sur mon vélo, le temps est gris, il pleuviote, ça sent la journée de merde. On se retrouve à nouveau sur cette route ultra passante, la A38, aujourd’hui, avec le recul, je la qualifierai facilement de route de merde, de route de l’enfer, de la route de la mort. Les voitures passent à une vitesse monstrueuse à côté de nous, la bande sur laquelle on roule fait maximum 5 centimètres, on se fait klaxonner et les automobilistes semblent trouver normal de nous frôler. Cerisette sur le pancake, il pleut toujours, les petites gouttes fourbes qui te mouillent doucement mais sûrement. J’en ai marre, je craque. On décide, pour notre vie et notre bien être, de bifurquer sur les petites routes moins passantes, le chemin sera plus long mais au moins on sera en sécurité.
Je découvre alors les petites routes de Cornouailles, minuscules au point qu’on passe à peine avec un vélo et une voiture ; des bocages denses sont plantés en bord de route bloquant toute visibilité et puis je découvre surtout les montées et descentes infernales de cette région de Grande-Bretagne, tellement infernales que je suis obligée de pousser mon vélo. Résultat de notre petit détour : quelques fous rires (quand même) mais surtout un bilan assez effrayant après 3h de route : 10km de fait. Oui, vous avez bien lu, 10km en 3h, la faute aux montées interminables et abruptes qu’on s’est tapé. Trempés et excédés on décide d’aller prendre un train pour rattraper notre retard, 30km en 15 minutes, ça serait presque rageant.
On rejoint le centre ville pour enfin se reposer un peu devant un repas chaud (et pour sécher un peu) avant de repartir vers Padstow, l’objectif du jour. A mon grand bonheur on découvre une piste cyclable : la Camel Trail, qui nous amène vers Padstow en passant par Wadebridge. Une vingtaine de kilomètres à travers la campagne des Cornouailles puis sur la côte, un petit bonheur après avoir tant subi le matin ! Notre route nous amène jusqu’à un camping qu’on avait repéré dans le Routard : le Denis Cove Camping. On est accueilli par Henri qui nous aide considérablement à organiser la suite de notre périple puisqu’il nous apprend qu’un site internet recense toutes les pistes cyclables de Grande Bretagne : Sustrans et dans toute sa bonté il nous imprime même des itinéraires possibles jusqu’à notre destination du lendemain : le château d’Arthur, Tintagel ! Mais avant ça, je laisse Gaïa dans un coin, je vais me réchauffer sous la douche et je retrouve mon sac de couchage. 325km au compteur, bonne nuit !
De Padstow à Bude
On quitte le camping de bon matin pour rejoindre Tintagel, la fameuse soit-disant ville du Roi Arthur. Aidés des itinéraires d’Henri, nous reprenons la même piste cyclable que la veille (cette fois sous le soleil) pour rejoindre Wadebridge et bifurquer vers Tintagel. Je retrouve ces montées et descentes que j’aime tant et qui me font suer au point de me faire littéralement péter les plombs et hurler mon désespoir. Mon genou gauche est en plus de ça totalement en vrac et me fait souffrir à chaque coup de pédale, bref, je serre les dents. Heureusement les petites découvertes atténuent ma frustration et ma fatigue morale, on s’arrête régulièrement pour découvrir des petites pépites locales comme l’église de St Endellion et son cimetière.
On arrive à Tintagel à l’heure du repas et on se pose juste devant un petit château/boutique de souvenirs dans le Tintagel Kitchen pour grignoter notre repas du midi avant de rejoindre le vrai château ou en tout cas ce qu’il en reste. Tintagel est une ville touristique, on passe donc devant d’innombrables boutiques siglées “KING ARTHUR” avant de passer à la caisse pour aller découvrir le Tintagel qu’on voulait voir. Le panorama est fantastique, il y a en fait assez peu de mots pour décrire vraiment ce que j’ai sous les yeux. Les collines se succèdent, à flanc de mer les roches sont sculptées pour laisser apparaître des vestiges d’une époque lointaine, on devine là les fortifications d’un château et là bas les murs d’une maison. Tout est en ruines, tout laisse l’imagination s’épanouir.
Le site date vraisemblablement du Vème siècle, peut être même était-il déjà peuplé à l’époque romaine, et le château, lui, daterait du XIIème, époque à laquelle on commence à dire que le Roi Arthur y serait né. D’abord grand centre d’échange puis abandonné pendant des siècles, ce gros caillou venteux a donc été repeuplé au moment de la construction du château par Geoffrey Henri III et sera à nouveau déserté au XVIIème probablement à cause de l’inhospitalité du lieu.
Après cette première visite dans les Cornouailles, on se décide à reprendre la route pour atteindre notre objectif du jour : Bude. On décide prendre la A39 et la route cyclable 3 (souvenez vous de celle-là!) qui nous permet de passer sur le bord de mer. La vue est magnifique, les panoramas nous coupent le souffle, un peu comme la montée à 30% qu’on se tape après la descente au même pourcentage. Oui, tu as bien lu lecteur, 30% je n’arrive même pas à pousser mon vélo sur 100m que je suis déjà épuisée. A bout de force on fini par se trouver un petit coin pour bivouaquer, entre quelques champs, dans une petite forêt artificielle, il vente tellement sur les côtes de Cornouailles ! Je m’effondre littéralement de fatigue après avoir écrit des bouts des phrases dans mon journal qui s’apparentent plus à du message codé qu’à un véritable récit de voyage.
De Bude à Barnstaple
Déjà une semaine de voyage ! Le temps passe déjà bien vite, je sens que mon corps commence à prendre le rythme même si mon genou me fait encore bien souffrir. On profite de quelques minutes pour prendre des photos du beau littoral, toujours venteux, avant de reprendre la route direction Barnstaple toujours par cette maudite route cyclable 3 qui n’a de cyclable que le nom. Devinez quoi ? On se retape les éternelles montées et descentes, étonnant non ? On arrive affamés à Holsworthy, une toute petite ville, où on se pose lourdement dans un restaurant où on est subjugé par la quantité de nourriture qu’on nous sert. Clairement repus, et probablement alourdis, on remonte en selle pour traverser d’innombrables petits villages dont un qui retient notre attention : Sheepwash. Oui, déjà le nom est singulier, mais ce qui l’est encore plus c’est qu’il se trouve sur la route de la VélOdyssée ! La même qu’on avait rencontré en Bretagne à la différence, cette fois, qu’on reste sur nos chères pistes cyclables de la Sustrans.
Heureusement pour ma santé mentale on rejoint très vite une vraie piste cyclable, et pas un itinéraire partagé, le Tarka Trail. Un peu comme la piste qu’on a pris en Bretagne, il s’agit en fait d’une ancienne ligne de chemin de fer réhabilitée en piste cyclable. Je m’émerveille par tant de considération pour les cyclistes et me demande pourquoi il n’y en a pas plus des belles pistes comme celle là… On traverse donc la forêt puis une zone beaucoup moins boisée et on s’inquiète un peu de ne pas trouver un endroit suffisamment à l’abri pour bivouaquer.
Le bivouac est l’un des problèmes majeurs dans cette zone, il y a en fait très très peu de forêts et souvent le peu d’arbres qu’on trouve sont protégés par… des barbelés ! Impossible donc de pouvoir y faire passer les vélos… Heureusement pour moi, Dimitri est rôdé à l’exercice et fini par nous trouver un endroit, certes à découvert, mais suffisamment loin du chemin pour être tranquille. On hisse les vélos au dessus d’une barrière, on court pour être hors de vu du chemin et on débute notre petite routine du soir. Demain on ne sera plus en Cornouailles.
L'itinéraire
Le guide pratique
Je vous en parlais déjà dans mon premier carnet de voyage mais si vous passez par Roscoff surtout n’hésitez pas à aller faire un saut dans la bonne crêperie Tal An Iliz en centre ville, la crêpe chèvre-noix est une pure tuerie !
Lors de votre petit tour sur les traces du Roi Arthur je vous conseille de vous arrêter au Tintagel Kitchen (4 Fore Street) où règne une super bonne ambiance et où les plats servis sont vraiment très bons.
Si vous avez l’occasion de vous arrêter dans la petite ville de Holsworthy faites un tour au Corner Café, ça ne paye pas de mine mais les repas y sont bons, copieux, et pas chers.
Le bivouac est assez compliqué dans cette zone du pays, il y a beaucoup de champs, souvent fermés, pas beaucoup de forêts… Il vous faudra de la patience pour trouver un endroit assez isolé du vent et des regards pour dormir !
On a dormi dans un seul camping pour cette partie du voyage : le Dennis Cove à Padstow. Je recommande vraiment ce camping qui est au bout de la piste cyclable qui passe par Bodmin. L’endroit est en bord de mer et assez fréquenté par les anglais le week-end, une sacrée ambiance ! Les douches sont payantes (1£ les 5 minutes) mais l’accueil est tellement génial qu’on oublie vite la douche express.
Tintagel est l’un des passages obligatoires. Même si le prix est assez douloureux l’expérience en vaut la peine. Vous pouvez découvrir des vestiges de ce qu’était le village de Tintagel des siècles auparavant, le site est si vaste que vous pouvez y passer une demi-journée si vos jambes ne vous lâchent pas avant vu tous les escaliers à monter et descendre !
Je vous conseille d’emprunter la Tarka Trail qui est très agréable et qui passe dans des coins de nature préservée. Si vous voulez y bivouaquer attention à l’emplacement que vous choisissez, la plupart sont des zones de préservation de la nature interdites aux bivouacs et camping.
La Camel Trail vous amènera jusqu’à Padstow en passant dans des petites villes mignonettes en bord de mer !
N’hésitez pas à sortir des chemins principaux pour découvrir des villages typiques comme Sheepwash où on a pu voir de très belles maisons aux toits de chaumes, dépaysant !
11 Commentaires
j’attendais avec impatience l’arrivée en Cornouailles! Tintagel est vraiment un site magnifique
On a adoré ! C’est vraiment un endroit magique, entre la connotation historique du site et sa localisation, ça valait le coup de suer pour atteindre Tintagel 😀
427 Km à en prendre pleins les yeux, pleins les pattes et … pleins le ventre ! 🙂
Une belle 2ème partie de votre aventure dans laquelle nous rentrons complément tant le récit est captivant ! (Un petit coup de pommade au passage)
😉
Merci <3 J'avoue que niveau nourriture et paysages on s'est fait plaisir 😀
Je ne cesserai pas de le dire, votre périple n’impressionne ! En plus ces paysages avaient de quoi nourrir votre motivation !
Il fallait au moins ça pour me faire oublier les montées interminables qu’on se tapait tous les jours 😀
“Cerisette sur le pancake” je ne vais pas m’en remettre génial ton article, on s’y croirait. J’ai encore plus hâte de partir faire mon trip en Irlande. Vivement la suite de tes aventures 🙂
Merci Vany ! La suite arrive très bientôt, ça te donnera un avant goût des merveilles que tu vas voir 🙂
J’ai pris le temps, je me suis installée et j’ai tout lu et j’ai adoré ! Quelles belles photos, j’adore toute cette côte celtique <3 Qu'est ce que ça me fait rêver un voyage a vélo, je crois que je vais demander à Alex qu'on fasse ça pour mon anniv 🙂
Merci Chrys ! J’avoue que je me lâche un peu sur le nombre de mots mais il y a tellement de choses à raconter, je n’avais pas envie de supprimer des parties pour faire des économies de mots 🙂 Je suis certaine que le voyage à vélo te plairait, sportive comme tu es tu en chieras sûrement moins que moi déjà 😀
Je préparai tranquillou mon voyage à vélo au pays de galle quand je suis tombé sur tes articles. Pas sur que cela m’est rassuré sur le bien fondé de la destination mais en tous cas j’ai bien ri. Merci encore pour tes partages. Si vous passez à Caen vous savez oū trouver une warm shower . Merci pour tes articles