Pour ce troisième opus consacré aux Grands Singes, on reste sur le continent africain pour parler de la protection des chimpanzés.
J’ai eu la chance de m’occuper de Chimpanzés quand je travaillais en parc, j’ai eu des interactions assez improbables (coucou le lancer de caca) et des moments de peine extrême à les voir enfermés dans de vieilles cages peu adéquates à satisfaire des animaux si actifs et dynamiques. Lorsque je suis partie en Afrique, j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer des communautés semi-sauvages de chimpanzés assez rapidement en Ouganda, sur l’île de Ngamba. Ces animaux-là ne sont pas comme tous les chimpanzés sauvages puisqu’ils ne se sont pas retrouvés sur cette île par hasard, ils y ont été amenés, pour une bonne raison : ils ont été sauvés de ceux qui s’en servaient pour leurs loisirs, qui les gardaient comme animaux de compagnie, qui les baladaient pour les exposer. La réalité est assez crue, elle l’est pour toutes les espèces animales qui souffrent de la “supériorité” des hommes, de leur hybris : ils doivent vivre et survivre parmi nous, subissant la bêtise et la cruauté de certains.
Les chimpanzés sont donc logés à la même enseigne que beaucoup d’espèces, comme les Gorilles, les Gibbons, les Ours, les Loups, les Hamsters, toutes les espèces animales de la planète doivent s’accommoder de notre présence envahissante et des comportements tout sauf pacifiques de certains bipèdes humanoïdes. Alors pourquoi vous parlez des chimpanzés ? Pourquoi continuer à vous faire des articles sur toutes ces espèces qui souffrent ? Parce que plus que de vous parlez des maux qui les accablent, souvent les mêmes, j’ai envie de vous faire découvrir ou redécouvrir ces petites choses qui les rendent si uniques.
Où sont les chimpanzés ?
On trouve des chimpanzés (à l’état sauvage) uniquement dans le centre et l’Ouest du continent africain. On compte 4 sous-espèces parmi le Pan troglodytes :
- le Chimpanzé d’Afrique occidentale (Pan troglodytes verus) qu’on trouve du Sénégal au Ghana,
- le Chimpanzé d’Afrique Centrale (Pan troglodytes troglodytes) qui étend son aire de répartition du Cameroun en RDC,
- le Chimpanzé de Schweinfurth ou Oriental (Pan troglodytes schweinfurthi) qu’on retrouve dans en RCA, RDC, Burundi, Ouganda, Rwanda et en Tanzanie
- le Chimpanzé Nigéria-Cameroun (Pan troglodytes ellioti) qui a la plus petite aire de répartition des 4 sous-espèces (et dont je ne vais pas vous faire l’affront de spécifier où il se trouve !). Les données génétiques recueillies permettent aujourd’hui d’établir 2 groupes de sous-espèces (ellioti et verus ; troglodytes et schweinfurthi) qui se sont séparés il y a de nombreuses années pour s’établir dans des régions différentes. Aujourd’hui, malgré le fait que la taxonomie puisse être discutée, pour les besoins de conservation des espèces les chercheurs préfèrent, en général, l’approche régionale.
Quel pourcentage de gènes partage-t-on avec les chimpanzés ?
Qui sont les chimpanzés ?
Pas très grand, poilu, courbé, marchant la plupart du temps sur leurs 4 membres et utilisant de nombreux outils pour arriver à diverses fins, ces “faux-hommes” comme les appellent les congolais sont, parmi tous les Grands Singes, ceux qu’on connaît le mieux, qu’on a le plus vu, qu’on identifie à la perfection. Les chimpanzés sont des animaux d’une taille assez moyenne, entre 1,30m et 1,70m, et pèsent relativement léger, 50kg en moyenne. Ce sont surtout les plus carnivores de tous les grands singes puisqu’ils se nourrissent de petits mammifères, comme en témoigne la pauvre mangouste qui n’a pas eu de chance à Ngamba, voire même des petits singes (le plus souvent des colobes). A côté de ce régime carné, les chimpanzés se nourrissent aussi de feuilles et de fruits.
Comme tous les grands singes, les chimpanzés sont des êtres sociaux. Ils vivent en groupe d’une trentaine d’individus (le plus grand groupe observé comptait quand même 150 individus !) avec une hiérarchie très forte parmi les mâles mais aussi parmi les femelles. Les nombreuses observations des primatologues ont permis d’établir que les mâles dominaient les femelles mais qu’une dominance était aussi existante chez les femelles, souvent dû à l’ancienneté. En effet, les femelles quittent la plupart du temps leurs groupes natals pour intégrer une nouvelle communauté entre 9 et 14 ans, leur statut dans le nouveau groupe sera alors inférieur aux femelles historiquement présentes dans le groupe, ce qui n’empêche pas un changement de hiérarchie selon les événements.
La hiérarchie chez les mâles est différente, même si elle n’exclut pas les femelles, on observe en effet une importance de la coopération dans l’établissement du rapport de force. En fait, souvent, le mâle dominant sera celui qui a les meilleures relations avec les autres mâles et le groupe. Cette place privilégiée dans le groupe permet au mâle dominant d’asseoir son autorité par la force de ses relations avec ses congénères. Ceci étant, comme dans toute communauté, cette place est souvent discutée et il n’est pas donc pas rare de voir des retournements dans la hiérarchie du groupe. Autre point important dans la hiérarchie chez les chimpanzés mâles : la viande. C’est marrant comme on peut y voir un espèce de parallèle avec la quasi religion de certains hommes (avec un petit h) pour la viande non ? Il faut savoir que les chimpanzés mâles utilisent la viande comme “devise sociale” pour établir des liens plus étroits puisque le résultat de la chasse sera divisé de manière réciproque entre les chimpanzés et non plus de manière aléatoire avec la dominance d’un mâle comme on peut l’observer chez d’autres espèces animales. La viande est donc, chez les chimpanzés, une véritable spécificité culturelle.
Comment s'appelle le système social des chimpanzés ?
Les menaces qui pèsent sur les chimpanzés
Bon, tu te doutes que si je t’en parle c’est probablement parce que le monde des chimpanzés ça n’est pas le monde des bisounours, ces Grands Singes, comme tous les autres, souffrent de nombreux maux. Depuis 20 ans l’IUCN a classé les chimpanzés comme espèce “en danger” et depuis autant d’années la population sauvage de chimpanzés est décroissante. Aujourd’hui, toutes sous-espèces confondues, on compte environ 470.000 individus au plus, 345.000 individus dans la fourchette la plus basse. Cette grosse différence entre fourchette haute et basse est due au simple fait qu’il est difficile de tracker des animaux sauvages. Souvent les chercheurs se basent sur la présence de nids ou de traces organiques mais ces indices restent une source assez aléatoire d’informations. Dernièrement des chercheurs ont établi la présence de groupes de chimpanzés hors des zones protégées, ces groupes n’étant pas attendus à de tels endroits, le chiffrage des individus a été revu à la hausse, ceci étant le constat reste le même : on perd toujours plus de chimpanzés chaque année.
Il faut savoir que les chimpanzés ont un rythme de reproduction très lent : le jeune chimpanzé n’est sevré que vers 4 ans et pendant ce laps de temps sa mère n’est pas fécondable. Sur un cycle de vie la femelle chimpanzé peut avoir 9 bébés, la plupart ne survivent pas. Ces phénomènes s’ajoutent donc aux menaces extérieures auxquelles doivent faire face ces grands singes à commencer par le braconnage.
Il est important de souligner que les chimpanzés sont entièrement protégés par les lois internationales et que le fait de les capturer ou de les tuer est donc illégal. Evidemment ça n’arrête pas certaines personnes qui braconnent ces animaux souvent pour leur viande. Le braconnage pour viande brousse amène un autre type de braconnage : le commerce des jeunes chimpanzés qui sont récupérés à la mort de leur mère. On peut aussi noter que certains empoisonnent les chimpanzés dans des schémas de vengeance puisque les animaux, dont les terres d’origine ont été rasé pour faire des terres cultivées, se servent dans les champs, causant la colère des habitants des régions concernées. A ça s’ajoute le fait que les lois ne sont pas franchement appliquées concernant le meurtre et la commercialisation des chimpanzés, résultat : très peu de gens se sentent menacés par de possibles sanctions…
La fragmentation des habitats est donc aussi une raison de la disparition des chimpanzés. On observe depuis plusieurs années que des zones très reculées sont de plus en plus accessibles, par le biais de routes, et que cette accessibilité amène avec elle l’installation de populations qui établissent leurs villages et leurs cultures sur des zones auparavant entièrement vierges pour les chimpanzés. Cette cohabitation n’est pas aisée, comme je l’ai dit précédemment, et amène sont lot de conflit entre êtres humaines et animaux. On peut aussi déplorer la présence croissante des palmiers à huile dans les zones de répartition des chimpanzés, selon une étude de 2014 42,3% de l’aire de répartition des grands singes sont des zones propices à la culture de l’arbre. On peut aussi pointer du doigt les exploitations minière et forestière qui dégradent l’environnement, détruisent les forêts et éliminent les populations de chimpanzés dans leurs sillons.
Pour finir on peut rajouter à la liste des menaces les maladies comme Ebola qui a déjà durement touché les populations de chimpanzés à la fin du XXème siècle et qui menace toujours les Grands Singes dès qu’un foyer infectieux se déclare ; et les changements climatiques qui menacent surtout les populations présentes au Cameroun centrale, l’IUCN prévoit d’ailleurs un fort déclin de cette population d’ici 2020.
Protéger les chimpanzés
Soutenir les associations
Il y a beaucoup d’associations pour la protection des chimpanzés, la liste assez courte que je te propose de découvrir n’est donc pas du tout exhaustive mais elle contient des associations sûres, qui ont fait leur preuve et à qui tu peux donc faire confiance.
- L’Institut Jane Goodall – évidemment, pour moi, celle-ci coule de source. Jane Goodall est une célèbre primatologue qui dédie sa vie à la recherche et à la protection des chimpanzés. L’association soutient de nombreux sanctuaires pour les chimpanzés mais aussi un centre de recherche et des actions sur le terrain en faveur de l’éducation. Il est possible de faire des dons à l’institut.
- HELP Congo – qui oeuvre pour la protection des primates et particulièrement pour celle des chimpanzés à travers diverses actions comme la réintroduction de ces Grands Singes dans leur milieu naturel, la bataille contre le braconnage ou la sensibilisation des populations. Il est possible de faire des dons à l’association mais aussi de partir en missions d’écovolontariat ou de participer à des actions de sensibilisation en France selon les événements.
- Le Centre de Conservation des Primates – qui fait partie du Projet Primates. Le sanctuaire est situé en Guinée, leurs missions sont d’accueillir des chimpanzés, de relâcher ceux qui sont près à retrouver la liberté et la sensibilisation des populations . Il est possible de faire des missions dans le centre de réhabilitation ou sur le site de relâché mais aussi de faire des dons à l’association.
- Je vous conseille d’aller jeter un oeil à la page FB du CCC qui est bien plus active que le site.
- Ngamba Island – je ne pouvais pas ne pas vous parler de cette île que j’ai eu la chance de visiter lors de mon passage en Ouganda en 2015. L’association recueille des chimpanzés qui ont été soustrait à leur habitat naturel, elle reforme un groupe et prévoit de pouvoir les remettre en liberté dès qu’un site sera considéré adéquate. Il est possible d’y faire du volontariat mais aussi de visiter l’île pour une après-midi comme je l’ai fait, de donner à l’association ou même de parrainer l’un des chimpanzés.
Tu veux être sûr.e que l’association que tu veux soutenir est fiable ?
Beaucoup d’associations utilisent les animaux pour te donner envie d’aller faire de l’écovolontariat chez eux, par la même te faisant débourser des sommes astronomiques et t’exploitant de manière assez discutable. Si jamais tu as un doute sur l’association en question, je te conseille de plutôt te tourner vers cette liste de centres dont la fiabilité a été vérifié.
Fais attention à l’huile de palme
Cette phrase revient souvent ici non ? Malheureusement c’est une des raisons de la fragmentation de l’habitat pour beaucoup d’espèces animales dont les chimpanzés. Aujourd’hui, en France, on a la chance d’avoir beaucoup d’alternatives aux produits avec huile de palme, n’hésite donc pas à jeter un oeil à la liste d’ingrédients des produits que tu achètes et à supprimer l’huile de palme de ton alimentation.
Ne change pas trop souvent de téléphone
Ou alors achète en un d’occasion. Le coltan, matériau indispensable à la fabrication de nos téléphones, est aussi à l’origine de la fragmentation de l’habitat pour les chimpanzés puisque beaucoup de mines se trouvent sur les aires de répartition des grands singes. Réfléchis-y donc à 2 fois avant de changer ton Iphone pour le tout dernier modèle, en plus tu vas économiser une somme assez coquette en te tournant vers un modèle reconditionné !
- Les photos non créditées (dont celle d'en-tête) viennent du site PixHere.com
- La carte des aires de répartition des chimpanzés vient du site de l'IUCN.
- La dernière photo avec la bouille d'amour de ce petit chimpanzé a été prise à Ngamba Island lors de mon voyage en Ouganda en 2015.
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