Après avoir passé près d’un mois en Tanzanie, à chercher désespéremment des centres de sauvegarde du même type que l’Elephant Orphanage de Nairobi ou Ngamba Island en Ouganda on doit se rendre à l’évidence, la Tanzanie n’est pas la terre propice à des projets de conservation.
La Tanzanie c’est quand même la terre du Serengeti, de Ngorongoro, celle des Maasaïs et des grands migrations d’herbivores, c’est une terre riche en faune, riche en parcs, riche en attractions à touristes en fait. C’est assez paradoxal d’être témoin de cette absence d’initiative de sauvegarde dans ce pays dont on parle le plus souvent comme étant un pays vitrine de la faune africaine.
La Tanzanie, reine des safaris
En Tanzanie vous pouvez voir le Big 5, vous pouvez découvrir des terres presque vierges, ces terres qui nous font rêver quand on regarde les documentaires sur l’Afrique, cette terre qui m’a donné envie de partir du jour au lendemain.
Si la Tanzanie semble bien pourvue du côté faune il ne faut pas oublier certains détails qui ont leur importance dans la compréhension du fonctionnement du pays : la Tanzanie est ce qu’on pourrait appelé un pays “souverain” en matière de faune, le pays draine chaque année un nombre impressionnant de touristes qui viennent uniquement faire quelques jours de safaris dans les parcs qu’on connait tous.
Cette souveraineté du pays, cette main mise du gouvernement sur les parcs permet d’engranger des bénéfices qui feraient pâlir de jalousie les petits pays comme le Rwanda qui tente désespérément de se mettre à niveau ( et qui balance même à ses citoyens qu’il est le 1er pays en matière de tourisme en Afrique. Douce propagande ! ).
Dans l'ombre de l'hunting game
A ces bénéfices tirés du prix exorbitant de certains parcs ( qui se justifie par la nécessité de conserver ces magnifiques espaces naturels. Elle a bon dos la conservation ) s’ajoutent les revenus tout droit sortis de la chasse. Ah la chasse, je suis fan. Fan de tous ces idiots qui payent des dizaines de milliers d’euros pour avoir le bénéfice de tuer un animal qui vit paisiblement sa vie avec ses congénères, un peu comme Cécil au Zimbabwe ! Ces idiots vous diront qu’eux aussi ils participent à la sauvegarde des espèces et même plus que les touristes ! Forcément, ils injectent dans le système tanzanien des sommes colossales, sommes qui justifient largement le fait de tuer des animaux parfois menacés d’extinction dans la zone ou sur le continent.
Parce qu’au final, malgré ce qu’on essaye de nous faire avaler, la chasse n’est pas régulée à la perfection. Une régulation parfaite signifierait qu’on connait le nombre exact d’individus d’une espèce afin de mettre en place un quota qui ne conduit pas à réduire la population. Un peu comme un prédateur qui s’occupe d’éliminer ses proies naturelles ( bien que la plupart du temps ces proies sont malades ou vieilles, les animaux sont plus logiques que les chasseurs apparemment ) et qui n’a pas d’incidence dans la densité de population desdites proies, le chasseur semble se cacher derrière une espèce de régulation des populations. Sachant que le chasseur aime tuer des animaux viables et à même de se reproduire, avec en plus des gènes intéressants et importants pour l’espèce on arrive vite à la conclusion suivante : la chasse n’aide pas la sauvegarde des espèces.
Il y a quelques semaines je lisais un article qui parlait du fait que de plus en plus les éléphants d’Afrique n’avait plus de défenses aussi imposantes que par le passé. La cause ? Vous la devinez, la chasse. Les chasseurs préfèrent les animaux imposants alors forcément les premiers à y passer seront les éléphants avec les plus grosses défenses. Au final, on pourrait presque trouver un bénéfice à cette “évolution” : un jour les éléphants n’auront plus de défenses et on sera débarrassé de cette débilité de braconnage pour l’ivoire.
Un désert en matière de protection des animaux sauvages
La Tanzanie se résume donc à ça : safari et chasse. Aucune mention nul part de centre de sauvegarde. Si les centres de conservation n’existe pas dans le pays il faut quand même noter le nombre d’initiatives privées qui touchent à créer des couloirs pour les éléphants, à mettre en place des programmes de cohabitation Hommes/animaux, à monitorer les animaux, à surveiller populations. Ces initiatives existent, heureusement, et contribuent pour certaines d’entre elles à réduire le braconnage en Tanzanie ( une vraie plaie dans le pays ). Ces initiatives sont quand même parfois sapées par le gouvernement tanzanien qui n’est pas exempt de quelques affaires de corruption.
Cette corruption n’est pas un secret d’état mais reste quand même assez tabou et on a pu le voir quand le gouvernement est allé jusqu’à expulser du pays Craig Packer, un expert de la conservation des lions qui avait osé soulever le problème. On commence donc à comprendre pourquoi dans le pays rien n’est fait de manière privée concernant les centres de sauvegarde. Le gouvernement a la main mise sur ce “business” et cette souveraineté interdit toute initiative personnelle.
Le problème récurrent de la gestion des parcs
Avec la chasse, la corruption, cette douce souveraineté du gouvernement dans le domaine, on peut aussi ajouter une gestion presque surréaliste des parcs. On mettra de côté le prix Mzungu des parcs, c’est presque une règle absolue en Afrique de l’Est, on va plutôt parler de ce projet d’autoroute (heureusement avorté ) en plein milieu de Serengeti, en plein dans la route migratoire ou la présence des troupeaux Maasaïs sur des terres qui leur sont interdites à certaines périodes et qui termine en empoisonnement de lions. On s’est déjà insurgé de me voir dire que ces troupeaux n’avaient rien à faire sur ces terres, je vais modérer mon propos en disant que ces troupeaux ont à faire sur ces terres mais que les êtres humains qui dirigent lesdits troupeaux n’ont eux rien à y faire tant qu’ils ne s’éduqueront pas. Les Maasaïs ont toujours vécus sur ces terres du Serengeti et du Ngorongoro, en parfait union avec la nature et la faune, les problèmes qu’ils pouvaient rencontrer par le passé avec les lions ou autre prédateur qui s’attaquaient à leur bétail se réglaient à l’époque d’une façon proportionnée ou de façon plus philosophique qu’aujourd’hui. Si une vache se fait dévorer par des lions alors que ladite vache se trouve sur une terre partagée entre Hommes et lions il ne faut pas s’étonner que la vache se fasse manger. C’est comme ça, c’est logique, surtout si le troupeau est laissé à la merci des lions.
C’est un peu ce qui se passe en Tanzanie, les Maasaïs laissent paître leurs troupeaux dans des zones où vivent des lions, proies faciles pour eux, ils font ce que tout animal ferait : ils tuent l’animal pour le manger. Que font les Maasaïs aujourd’hui contre ça ? Ils empoisonnent les carcasses des vaches, tuant un clan complet de lions. Oeil pour oeil, dent pour dent ? Rien à voir. Cette pratique me rappellent les évènements au Rwanda il y a 20 ans, alors que l’Akagera était pris d’assaut par les populations, alors que les carcasses étaient elles aussi empoisonnées, les lions ont disparus du Rwanda. C’est ça l’avenir de ces clans de lions ? La cohabitation est possible du moment où l’Homme intègre le fait que l’animal tue par nécessité.
Le problème récurrent de la gestion des parcs
La Tanzanie n’est pas impressionnante en matière de conservation, le pays en lui même ne fait pas d’effort particulier pour se préserver des inévitables pertes de populations animales, on fait confiance au temps qui passe, on se dit qu’il y aura toujours des solutions de dernier ressort.
En fait la Tanzanie doit sa “régularité” aux initiatives privées ( on note le projet privé du 1er orphelinat d’éléphant ouvert en 2015 et finalement fermé) et plus j’avance dans ce voyage et plus je me dis que ces pays traversés jouent les équilibristes, un jour viendra où les subventions ne couleront plus à flots, on ferme les vannes, et à ce moment là il se passera quoi ? Est ce qu’on verra des pays qui décideront de réfléchir par eux même sur l’avenir de leur faune ? Est ce qu’on verra enfin pousser des élans de conservation comme des petits champignons partout dans le pays ? J’essaye de me convaincre qu’un jour l’Afrique la jouera sans filets, qu’elle dira non à la souveraineté économique de l’Europe ou des Etats Unis, qu’elle dira non à cet argent qu’elle aime tant et qui gangrène ses intérêts.
Au final pendant ce mois en Tanzanie on aura eu l’occasion de voir un seul et unique projet de conservation à Zanzibar : un centre de sauvegarde de tortues marines, un projet un peu décevant, où on a pu voir des tortues en bassines ( pas toutes hein! ), pas viables à la vie en mer pour certaines parce que malformées, un centre où on aura eu le “plaisir” de voir un crocodile du Nil là juste pour “montrer aux gens”.
2 Commentaires
bonjour Adeline, pour avoir passé 3 ans a travailler en Tanzanie, à Arusha exactement, je me trouve un peu en désaccord face à ton article.
Oui le gouvernement ne fait pas grand chose, pour ne pas dire rien du tout, pour la conservation des animaux – à part augmenter les taxes de parcs – Cependant il y a énormément d’initiatives privées, d’aires de conservation, de centres de recherche et de passionnés un peu fêlé qui dédient leur vie à la conservation de la faune et de la flore. Je trouve donc un peu dommage de résumer la Tanzanie à un pays “juste pour montrer aux gens”. Il y a aussi d’autres facteurs à prendre en compte, mais une analyse de la situation du pays serait un peu longue.
Si tu cherches des pistes et contacts.. .n’hésite pas !
Cyn
Bonjour Cyn !
Merci beaucoup pour ton commentaire ! J’adore pouvoir avoir un avis surtout quand c’est du vécu 🙂 Par contre je te contredis sur le fait que j’ai une vision ultra pessimiste, les initiatives privées j’en parle ! Très peu forcément vu que je n’ai pas eu le temps de trop approfondir mais je sais qu’elles existent et qu’elles sont en fait bien seules dans un pays comme la Tanzanie qui galère gouvernementalement parlant ! Mais ton expérience m’intéresse vraiment !