Assis sous un porche dans une rue au nom dont je ne me souviens déjà plus, on attend que la pluie se calme, il est 10h15, on a raté notre rendez vous à l’UWEC. Je m’en veux un peu et en même temps j’ai ce pressentiment que les choses devaient se passer comme ça. Isaac ne répond plus à mes messages, peu importe, on ira à l’UWEC dans tous les cas. Ce qu’on y découvre dépasse mes attentes et l’entendement.
J’imaginais l’Uganda Wildlife Education Centre comme étant un sanctuaire pour des animaux recueillis, sauvés des êtres humains qui en avaient fait des bêtes de foire, des animaux blessés, dans le besoin immédiat d’être secourus. Alors oui peut être qu’en théorie les animaux de l’UWEC ont été dans le besoin dans le passé, qu’ils ont vécus des situations atroces et qu’ils nécessitaient qu’on leur portent assistance mais aujourd’hui quand je vois l’UWEC je me demande, comment peut-on laisser des animaux ici ?
L'Uganda Wildlife Education Center ou comment donner un nom pompeux à un vieux zoo
Tiens, si vous êtes familiers avec les zoos qu’on a en France vous allez peut être y trouver un point commun avec les changements qui sont effectués dans nos propres structures ces dernières années ( avec des pratiques totalement différentes en France quand même ). Depuis quelques temps on entend de moins en moins parler de zoos en France et pour cause le terme est considéré comme péjoratif ou en tout cas on veut offrir aux visiteurs une vision différente de ce qu’étaient les zoos dans les années 60 : quelques animaux assis sur du béton dans des cages aux barreaux épais. Pour annihiler cette vision vieillotte du zoo beaucoup on décidé de supprimer le terme de zoo pour devenir des Bioparcs ou autres noms alternatifs qui poussent à croire qu’on va visiter des endroits totalement différents. Je n’ai rien contre les nouveaux termes utilisés même si pour moi ça reste une affaire de marketing et de communication et à aucun moment ça ne change le statut du parc.
Bon voilà pour la digression d’introduction, pour en revenir à l’UWEC à la base il avait lui aussi l’appellation de Zoo et d’ailleurs les panneaux environnants le “parc” mentionne toujours le terme de zoo. Mais partout dans les bouquins de touriste ou autre brochure de pub il sera question de l’UWEC ou Uganda Wildlife Education Centre. Un centre d’éducation à la vie sauvage. L’affiche est prometteuse, un centre où les animaux blessés ou maltraités sont recueillis pour recevoir des soins et terminer leurs vies dans des conditions plus acceptables. Un centre où on propose aussi de sensibiliser les visiteurs à la conservation en Ouganda et plus généralement en Afrique. Bon, niveau publicité les gars sont vraiment bons mais la publicité presque mensongère est tellement extrême, ce n’est même plus pousser mémé dans les orties, c’est la rouler dedans pour faire de mémé un nem d’orties!
Une politique contestable
On entre dans un parc qui présente pas trop mal de prime abord mais on déchante très vite. Le premier enclos renferment un éléphanteau seul et des petits zèbres, 2, léthargiques. Je ne prétend pas avoir passé assez de temps à travailler en parc en France pour reconnaître un animal au comportement étrange mais je reste persuadé que chacun d’entre vous aurait eu le même ressenti que moi. Pendant plusieurs minutes je suis resté là à les observer, pendant ces longues minutes ils n’ont pas bougé d’un centimètre, rien ne bougeait. De nombreuses études ont été faites sur le comportement des animaux sauvages et des animaux en captivité pour avoir une idée du comportement normal d’un animal. Dans la plupart des cas ce qui a été relevé c’est qu’un animal en captivité est moins actif qu’un animal sauvage puisqu’il y a moins de danger, moins de problèmes liés à la nourriture. En sachant tout ça j’ai “l’habitude” de voir des animaux qui peuvent être moins actifs à certains moments mais là… J’aurais du mal à vous décrire le malaise qui m’a tout de suite prise. J’en ai été malade.
On poursuit notre route vers les autres enclos, des lions, des hyènes, un enclos vide pour le ou les servals, des oiseaux et puis ce bongo. Je vous en ai brièvement parlé le jour même de notre passage à l’UWEC, dès qu’on s’est approché de son enclos (qu’il partage avec des oiseaux) il est venu vers nous.
Si on m’a appris une deuxième chose en parc c’est qu’un animal imprégné (qui a été en contact rapproché et sur le long terme avec des Hommes ) sera toujours plus malheureux si du jour au lendemain on décide de ne plus lui donner de l’attention. Si un animal a été élevé au contact des Hommes, habitué à avoir des attentions physiques de la part des Hommes le fait de cesser toute interaction avec cet animal le rendra malheureux. Ce bongo est de ceux là, pour se diriger vers nous dès notre arrivée il est habitué à la présence humaine, à l’interaction humaine. Vous verrez rarement des animaux dans les parcs en France se diriger vers vous quand ils vous voient, vous faites partie du décor, vous n’êtes qu’un autre animal qui se trimbale pas loin, ils s’en carrent de vous. Ce bongo là n’est pas de ces animaux qui vous ignore et ça a été terrible de le voir s’approcher, lécher ma main posée sur le grillage, appuyer sa tête et me laisser le gratter entre les cornes.
Une vision de l'éducation contestable
“Ça c’est un bongo, si vous voulez vous pouvez rentrer pour lui grattouiller le dos” – voilà plus ou moins ce qu’on nous a proposé alors que j’étais devant le grillage de l’enclos.
Non ce n’est pas ça l’éducation, ce n’est pas faire comprendre à des enfants que cet animal qui vit dans un enclos grillagé est à sa place ici, ce n’est pas lui faire comprendre qu’il peut considérer cet animal comme un animal de compagnie avec qui il peut passer un moment avant de repartir à l’école. L’éducation c’est de dire à ces enfants que cet animal là est arrivé dans cet enclos pour telle raison et qu’il n’en ressortira plus jamais, qu’il n’aura jamais l’occasion de retrouver la nature parce que des Hommes ont décidé de l’en priver pour en faire un animal pour un quelconque amusement ou parce que cet animal a dû être secouru par les Hommes quand d’autres on décidé de tuer ses semblables pour en vendre les carcasses.
Sauf que voilà, à part pour dire qu’un lion a été récupéré dans la Nature parce qu’il avait été abandonné par sa mère rien dans le parc ne parle des histoires des autres animaux. On ne sait pas qui est le zèbre dont il est question sur le site, ce bébé zèbre blessé par des Hommes et recueillis pour être soigné à l’UWEC. On ne sait pas ce qu’il adviendra de ce bébé par la suite, on ne sait pas si certains de ces animaux blessés puis soignés auront la chance de retrouver leur habitat naturel.
Les plus chanceux dans l’histoire sont probablement les chimpanzés ou en tout cas ceux qui ont pu partir de l’UWEC pour rejoindre Ngamba Island. Si dans le parc vous pouvez retrouver des panneaux concernant la réintroduction de rhinocéros, au sujet de l’historique de ces réintroductions il n’est fait aucune mention. Vous pouvez payer pour aller sur les sites de réintroduction, ça c’est écrit en gros sur le bâtiments proches des rhinocéros mais sinon, rien. Alors ces chimpanzés qui rejoignent Ngamba sont pour moi ceux qui ont le plus de chances, ceux qui auront peut être la chance de rejoindre un jour la Nature et de vivre dans des conditions dignes de leur espèce. On oublie souvent que chacun de ces animaux ont des sentiments, autant que vous et moi mais qu’au contraire de l’Homme un animal ne connait pas la méchanceté, un animal ne fera jamais enduré à un autre ce que l’Homme peut faire endurer aux animaux, à ces animaux, ils sont la Nature.
L’UWEC m’aura permis de m’en rappeler, ce passage douloureux m’aura permis de me sentir plus proche que jamais de ces animaux captifs et parfois délaissés. Ils sont la preuve que l’Homme joue encore et toujours avec la nature, même sous couvert de conservation.
11 Commentaires
Comme d habitude, un texte empreint de vérité. A chaque fois que je te lis, je comprends un peu plus pourquoi je travaille en parc: Merci.
Merci 🙂 A chaque nouvelle expérience tout au long de ce voyage ça renforce aussi mes convictions et mes motivations. Sensibilise ! A mort. Il faut !
Eh beh ce n’est pas folichon, comme tu dis, il y a du travail de sensibilisation et d’éducation (des hommes) à faire encore… :/
Hello Adeline ! Je viens de découvrir ton blog et je dévore les articles les uns après les autres, bravo ! Je suis choquée de voir que, comme souvent, l’Homme ne respecte pas la Nature pour ce qu’elle est, c’est assez désespérant, je dois dire. Merci de témoigner là-dessus, j’espère que cela en sensibilisera certains. Je suis passionnée par ce voyage que tu as fait, j’aimerai beaucoup voyager solo en Afrique mais je ne sais pas du tout par où commencer, je pense que je me tournerai vers toi le moment venu 😉
Merci à toi de me lire ! Si tu as des questions n’hésite pas une seconde à m’envoyer un message, j’y répondrai avec plaisir 😀
[…] l'UWEC, après la déception, le dégoût de cet endroit qui se fait appeler Education Centre j'ai […]
[…] préciser 2 choses : la première c'est que j'ai visité l'Uganda Wildlife Education Center et que je vous le déconseille vivement ; la deuxième c'est que je vous conseille tout aussi vivement d'aller sur Ngamba Island, départ […]
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[…] niveau du projet les choses se passent plutôt bien ! J'ai eu l'occasion de vous parler de l'UWEC que j'ai visité il y a quelques jours et je vous parlerais de Ngamba Island et de la rencontre […]
[…] où trouver des centres de conservation relève de l'utopie et l'Ouganda qui nous avait donné des sueurs froides avec l'UWEC mais aussi quelques bonnes surprises avec les rhinos de Ziwa, en arrivant au Kenya on ne savait […]
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