Te voilà seule, toi et les bass de la discothèque d’en bas. T’as passé une journée de merde mais t’es en Tanzanie, ça devrait tout effacer à ton ras le bol non ? Non, ça ne change rien, Tanzanie, Dar Es Salaam, décembre 2015, j’expérimente la journée pourrie du voyageur, celle dont on parle si peu mais qui vous donne envie de tout laisser tomber et de rentrer à la maison.
Cette journée de merde, ce côté obscur du voyage on l’a tous expérimenté au moins une fois. L’accumulation de situations lourdes, stressantes, le genre de situations qui s’enchaînent toutes et qui peuvent faire qu’un petit rien se transforme en catastrophe nucléaire. Quand on y pense on se dit que ce type de situation ne peut que se passer à cet endroit là, cette maudite ville de Dar es Salaam que j’exècre de tout mon corps mais au final, quand on relativise la situation, on se rend compte que le problème vient d’ailleurs.
Le côté obscur des longs voyages
Oui parce qu’au final quand vous partez 15 jours pour vos vacances annuelles je vous assure que vous ne choisirez ni les coins pourris où on a pu se retrouver ni les hôtels pourris que notre statut de backpackers nous obligent à prendre. Vous choisirez Dar Es Salaam pour la seule raison que le port d’accès à Zanzibar est là et vous ne vous attarderez pas dans cette vitrine de Tanganyika, direction Zanzibar aussi vite que vous pouvez. Et vous aurez raison ! Mais c’est pas le sujet.
Les longs voyages donc, on ne va pas revenir sur le “monopole” des expériences vécues par les voyageurs au long cours mais soyons honnêtes, on voit probablement des choses que jamais de votre vie vous n’aurez à voir, on fait des crash tests pour les suivants, on endure des situations qu’on ne souhaite à personne ni même à nous, on est les cobayes indirects des prochains voyageurs. Et après avoir fait le test des situations les plus lourdes on tient à s’exprimer, comme un exécutoire de ces situations anxiogènes qu’on vient de traverser. Alors je vous vois bien arriver sur le fait qu’on est chanceux à voyager autant, si longtemps, si loin, je vous arrête net les gars, on ne se plaint pas de voyager, on parle de cette différence culturelle qui joue parfois avec vos nerfs comme James Franco joue avec les siens dans 127 Heures. Ça pique, ça vous rend dingue, à un point de détester l’humanité entière ou presque.
Alors le hic au long voyage il est là, le choc culturel. Mon premier mois s’était bien passé pourtant, je pensais être passé à travers de ce symptôme du voyage loin des frontières de l’Europe, le 2ème mois m’a fait ressentir un peu plus de difficultés avec les mœurs de certains et là, on en arrive à un point jamais atteint. Ce choc culturel dont on m’avait parlé avec tant de douceur.. Les “Tu verras, ça va te faire un choc” je les connaissais, je les ai entendu pendant tous mes mois de préparation et je le sous estimais, je l’avoue.
Comprendre son choc culturel
Pour commencer je vais préciser à toutes les personnes qui pensent que ce qui suit est dû à un esprit obtus et à un refus de m’adapter. Non, je n’ai pas de mal à m’adapter à l’Afrique, je ne suis pas l’enfant gâtée qui refuse que les étrangers soient différents de ses compatriotes, je pense être assez ouverte d’esprit pour comprendre la différence mais soyons clair, comprendre ladite différence ne signifie pas être toujours capable d’accepter des mœurs qui sont aux antipodes des vôtres.
L’Afrique, pour ce que j’en connais, est un continent à part, un beau continent par moment, très laid aussi parfois, avec des personnes qui sont à l’image des personnes qu’on peut avoir dans notre chère France, des gentils et des méchants, des bienveillants et des gros cons. L’Afrique c’est aussi un continent sale, avec des populations pas éduquées du tout en matière d’écologie qui vont vous benner leurs bouteilles en plastique en plein milieu de l’Océan Indien sous le regard excédée de la blanche que je suis. L’Afrique c’est le continent du bruit, du Rwanda jusqu’en Tanzanie je n’aurais jamais autant utilisé de boules quiès de ma vie.
Non, l’Afrique ce n’est pas tout noir, je ne connais pas tous les autres continents, mais je me rends en fait compte que l’expérience qu’on peut avoir dans des pays comme le Canada et les Etats Unis n’auront jamais rien à voir, en terme d’expatriation, avec le continent africain. Le choc est énorme, rude et il s’insinue lentement en vous. Une fois l’euphorie de l’arrivée passée vous encaisser les coups jusqu’à ce moment où vous avez besoin de hurler, non le voyage ce n’est pas toujours le pays des Bisounours.
Accepter ce choc culturel
Après avoir compris qu’on était pas des surhommes ou des surfemmes, qu’on a aussi le droit d’être en colère contre les gens qu’on trouve irrespectueux, qu’on a le droit de dire ce qu’on pense aux idiots qui nous prennent de haut, une fois qu’on s’est dit qu’on a toujours le choix de ce qui sort de notre bouche et que rien ni personne ne peut nous empêcher de râler si on trouve quelque chose d’anormal alors à ce moment là on sait qu’on est sur le chemin de l’acceptation du choc culturel.
Beaucoup diront qu’il faut relativiser ou se mettre dans la peau des locaux, comprendre les mœurs de certains, accepter que ce soit comme ça dans ce pays. Je me revois sur ce bateau qui nous ramenait à la maudite Dar Es Salaam, je revois cet homme rire alors que sa bouteille part pourrir l’Océan Indien et je revois cette petite fille assise devant moi, cette petite fille qui doit voir un nombre incalculable d’adultes jeter leur bouteille par dessus bord et qui va intégrer la “norme”, celle de jeter ses bouteilles n’importe où. C’est ça l’avenir de l’Afrique ? Vous pourriez accepter ce genre de pratique ? Peut être que oui, moi non. Je déteste les gens qui pourrissent l’environnement, je déteste ceux qui se sentent exclu de l’avenir de notre planète alors qu’on la voit partir en lambeaux petit à petit.
Accepter la culture d’un pays est une chose, j’accepte de me couvrir la tête ou les épaules s’il le faut, j’accepte de ne pas parler aux hommes si la culture du pays implique que ce soit mal vu, j’accepte de manger avec ma main droite et jamais ma gauche mais jusqu’où peut aller l’acceptation ? Je n’accepte pas le comportement de certains individus qui ne sont malheureusement pas des cas isolés parfois. J’estime que les comportements de chacun sont totalement indépendants de la culture. Comment peut-on prétendre qu’être sale fait parti des mœurs ?
Trouver du positif
Il me reste des mois de voyage encore, des mois que j’aimerai passé ailleurs parfois, ailleurs qu’en Afrique et pourtant je ne regrette pas mon choix d’y être ni même de continuer ma route. J’ai toujours le même plaisir à l’idée de quitter un pays pour en découvrir un autre. Alors qu’est ce que j’en retire de ce choc culturel qui me bouffe parfois la vie ? Non je ne suis pas devenu un brin maso après ces 3 mois loin de mon verre de vin blanc et de mon fromage de chèvre. S’il y a bien une chose que je ne peux que confirmer c’est que le voyage c’est formateur. Jamais je n’aurais imaginé en arriver là, être capable de me surpasser face à des personnes inconnus, les affronter s’il le faut. Le voyage est formateur en cela qu’il oblige à sortir de soi même. Vous n’aurez jamais de plus grande occasion de vous exprimer qu’en voyage.
En fait le voyage, ça démoutonise ! Sans dire qu’on est tous des moutons, on a toujours eu tendance à laisser passer certaines choses justement parce qu’on ne voulait pas être les seuls à en râler. Lorsqu’on est en voyage on découvre la facilité à l’ouvrir dans certaines situations, on découvre aussi que dire ce qu’on pense ( en bien ou pas ) peut se révéler salvateur, pour votre santé mentale d’abord, parce que tout garder en vous va sûrement finir par résulter par des ulcères ou des ruptures d’anévrisme, et pour les gens que vous avez en face. Rien ne vaut une petite critique justifiée pour s’améliorer non ?
Au final, ce choc culturel est usant mais la relativisation est la clé d’une survie en terre “hostile”. Si on se complaît dans ce tourbillon de “mais c’est quoi ce pays ?! La France c’est mieux parce que blablabla et parce que blablabla” vous pouvez être sûr que dans quelques jours c’est la rupture, vous allez vous mettre à cracher du sang, à inventer une maladie quelconque pour fuir à l’aéroport et prendre un vol direct vers la Mère Patrie. Dans mon cas Prince Charmant est un soutien dans les moments de crise nerveuse ( bon sauf quand on fait un combo de crises de nerfs ) mais si vous êtes un voyageur seul le plus gros conseil que je pourrais vous donner c’est de ne pas le rester ! La solitude peut vite devenir un accélérateur de crise existentielle, que vous soyez en voyage ou non. L’intérêt est aussi de pouvoir dédramatiser la situation, de partager des expériences qui, un jour, vont peut être vous faire rire. Le voyage, même dans son côté obscur, a toujours des bons côtés et puis concrètement, si on ne trouvait pas du positif même dans les mauvais moments, on serait déjà rentré à la maison en chialant depuis longtemps non ?
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